La Famille d'Anou

Et oui, ça commence à faire un bail que le petit Anou (sur les papiers, c'est marqué Houschka mais c’est comme ça que Michelle l’appelait, on lui a laissé ce nom) a quitté le refuge Stam pour venir nous rejoindre.

Voici l’histoire.

C’était après un gros chagrin : mon petit Voyou, mon petit gosse de la rue que j’avais ramené à Marseille après l’avoir adopté en Guyane (il dormait sous les voitures du parking où on se garait pour travailler). Je l’avais ramené à la maison le jour de mon anniversaire, juste à temps, le lendemain, la fourrière faisait une razzia (et il n’y a pas de SPA en Guyane…). Quand je l’ai amené chez le vétérinaire pour les premiers contrôles et vaccins, elle a dit : "quel joli petit berger Créole ! En voila un qui a de la veine."

Pas tant que ça, mon pauvre Voyou. Tu n’as pas eu de chance mon pauvre Voyou, c’est à Marseille qu'il a fallu que tu attrapes la leishmaniose, maladie pourtant tropicale ! Et malgré mes efforts désespérés pour te sauver, retour du bureau en catastrophe à midi pour faire tes piqures, j’ai dû me résoudre à t’accompagner pour ton dernier voyage… le jour de mon anniversaire. Tu m’as fait un dernier cadeau d’amour que je garderai toujours : quand je suis venue te chercher, la mort dans l’âme, tu t’étais caché dans le jardin (c’est comme ça les bêtes, quand elles souffrent trop, elles cherchent un coin pour se cacher). Je t’ai cherché, cherché. Et puis je t’ai trouvé, couché au milieu d’un tas de broussailles inextricable. J’ai eu un choc « mon Voyou, mon chien », alors tu t’es relevé péniblement et tu es sorti, en titubant, les broussailles te soutenaient, t’empêchaient de tomber. Et tu t’es effondré dans mes bras. Mon Voyou, mon Voyou, tant de confiance, tant d’amour, toi qui ne savais jamais, lorsque tu es arrivé à la maison, si tu devais venir ou te sauver quand tu voyais un humain…

J’ai dit « je ne prendrais plus jamais de chien, ça fait trop mal ». Et puis, mon Voyou, tu étais toujours dans mon cœur mais tu avais laissé un si grand vide dans la maison, dans le jardin. Alors je me suis dit, ça ne peut pas être pour rien, autant d’amour, ça ne peut pas être pour rien, pour seulement de la tristesse cette place, c’est pour qu’un autre puisse venir maintenant. Il y en a tant qui attendent, et tant qui attendent si longtemps. Qui attendent parfois jusqu’à la fin.

Alors je suis allée au refuge Stam. J’ai été très étonnée : tous les chiens étaient en liberté ! J’étais un peu impressionnée quand Michelle m’a ouvert la porte. Tant de mouvements autour de moi, tant de gueules qui se fendaient : sourire ? joie ? méfiance ? C’est dur aussi de venir choisir un chien, pourquoi celui là et pas celui-ci ? Et les adoptions urgentes… Celui-ci ne supporte pas trop les autres, alors il a un grand enclos pour lui tout seul, mais il ne supporte pas très bien non plus de se sentir limité, même si c’est un autre espace que les tristes boxes dont on a l’habitude dans les refuges.

J’ai fait un petit tour, accompagnée de Michelle, qui connaissait tous ses chiens. Elle me posait des questions : comment on vivait ? qu’est-ce qu’on attendait de notre chien ?… Elle m’a dit : « quand un chien revient après une adoption, il n’est pas pénalisé. C’est que c'est moi qui me suis trompée. Je n’ai pas conseillé le bon chien. C’est une leçon pour mieux le placer ». Michelle, j’ai eu l’impression qu’elle était un peu spéciale, comme ses amis autour d’elle : blessée, donc un peu méfiante (ça se comprend, hein, mais à l’époque, il y a plein de choses que je ne savais pas sur ce que l’on vit quand on essaie d’aider ceux que les humains abandonnent. Le reste non plus). J’étais un peu intimidée, je crois que je n’ai pas osé dire à quel point je trouvais tout cela vraiment bien, vraiment. A quel point Michelle m’a impressionnée.

Et puis, j’ai croisé le regard de Anou. Lui aussi, il avait un petit air intimidé. Il ne faisait pas trop le fou avec les autres. Il ne venait pas trop non plus chercher de câlins. Mais il ne se sauvait pas pour autant. Il observait en gardant une certaine distance.

Anou, il faut dire qu’il était vraiment joli. Une sorte de croisement : c’est marqué labrador / briard sur les papiers, mais je trouve qu’il ressemble plus à un labrador x setter gordon, avec son poil noir soyeux et ondulé, ses oreilles bouclées de setter, sa queue en beau plumeau panaché. On a fait connaissance timidement, un peu sur la réserve. Et je me suis dit, voilà : c’est lui. Je l’emmène. Michèle m’a dit : « oui, c’est un bon chien. Ça se passera bien avec lui ». C’est vrai que c’était important car mon mari m’avait laissé libre mais je savais aussi qu’il serait mieux que les choses se passent bien car alors « il me passait un caprice », il connaissait mon chagrin, mais il était prêt à moins de concessions que moi , je le savais.

Quand j’ai ouvert le coffre, Anou, tu as sauté dedans, tu t’es assis sagement. Dès que la voiture a démarré, tu t’es couché sans rien dire. Pas un gémissement, pas un petit cri, pas une patte sur le dossier du siège arrière. Dès que la voiture s’est arrêtée, tu t’es assis, tranquillement, et tu as attendu que je te dise de descendre. Je n’en revenais pas ! Sage comme une image. Claude, quand il t’a vu, il s’est écrié « mais il est super beau ! ». Au premier regard, tu l’as conquis mon homme, lui qui n’avait jamais eu le bonheur de partager la vie d’un animal avant de me connaître, lui qui pensait que, même un chat, c’est quand même beaucoup de contraintes, et ça salit la maison ! Maintenant, c’est lui qui est gâteux ! On t’a montré ton panier, la gamelle d’eau. Quand on t’a dis, couche toi dans ton panier : hop, tu étais couché dans ton panier ! Et tu marchais au pied avec la laisse sans jamais tirer. Maintenant, la laisse, on ne la met plus trop, il faut dire que tu habites maintenant dans les Landes avec nous et que les ballades dans la forêt, c’est plutôt des grandes galopades en liberté ! Mais il ne faudrait pas qu’on croit que tu es un chien tout mou, tout poussif, toujours couché sans bouger, sans rien dire ni faire. Non, tu es un chien plein de vie, qui adore jouer. Tu coures à grandes foulées bondissantes quand on te lance la balle, tu sautes haut pour la rattraper, tu adores faire le fou, ventre à terre. Mais, plus que tout, ce tu aimes mon Anou, ce sont les câlins. Poser la tête sur nos genoux et te faire caresser béatement. Pousser des petits grognements de plaisir quand je te fais des câlins le soir dans ton panier, au moment du « bonne nuit ».

C’était en 2005 que je suis allée te chercher. Hier. Tu avais 2 ans. Je n’arrive jamais à calculer ton âge : le temps passe trop vite. Lorsque j’y pense, mon cœur se serre. Maintenant, déjà, tu as des poils blancs sur le museau. Et tu as pris de l’embonpoint mon Anou (d’accord, moi aussi !). On reconnait maintenant la silhouette du Labrador, hein !! Pourtant, mon pauvre Anou, je te mets au régime, toi qui es si gourmand. Croquettes light, poulet, légumes verts. Mais rien n’y fait. Tant pis. Je t’aime mon Anou, même un peu forci, Tu es l’amour même, si généreux, tu n’as jamais jamais une mauvaise pensée, c’est quelque chose qui t’est étranger, ça . Toi, tu ne demandes pas grand-chose, tout ce que tu veux, c’est être près de nous, jamais trop loin, 3 mètres c’est beaucoup. Non, ton bonheur à toi, c’est d’être couché près de moi, quand je suis à l’ordinateur, quand je jardine, quand je suis dans la cuisine (là, tu restes sur le seuil, tu sais que la cuisine ce n’est pas permis).

Et puis, je t’ai fait un sale coup. J’ai craqué sur un berger allemand, dans un refuge en Bretagne. Tout maigre, un air si triste, si triste. Il ne supportait pas sa vie en box. Quand je l’ai vu en photo, j’ai eu un choc. Difficile à expliquer. Je n’ai plus pu arrêter d’y penser. On a beaucoup discuté, beaucoup hésité. Mais Vasco avec son regard de gosse triste, cette expression terrible d’incompréhension totale. Alors j’ai craqué. On a pris la voiture tous les trois, toi Anou, Claude et moi, et on est allés jusqu’au refuge en Bretagne. Je ne t’ai pas demandé ton avis mon Anou. Tu es si gentil, si peu dominant. Je me suis dit qu’il ne pouvait pas y avoir de problème. Quelle aveuglement ! Comment ai-je pu aussi mal te comprendre ? Les présentations, ça n’a pas été super. Toi, tu avais l’air plutôt indifférent, un peu stressé par tous ces bruits de chiens enfermés, mais tu nous faisais confiance. On a beaucoup hésité encore. Je ne savais pas quoi faire : repartir sans Vasco et le laisser dans son box, je ne pouvais supporter cette idée. Mais j’avais si peur que cela se passe mal avec toi, parce que Vasco n’avait pas l’air très sympa avec toi. Et puis Claude a tranché. Il m’a dit, bon, on l’embarque. Tu te débrouilleras très bien. Je ne me sentais pas aussi sûre que lui. Mon Anou, je n’avais pas pensé (mais quelle idiote, quand même !) que tu n’étais pas un chien, non ! Tu étais le fils unique de la maison. Toi, tu étais un humain, les codes des chiens, tu ne les connaissais pas. Et puis, tu as beau être la crème des chiens, l’amour incarné, tu ne l’entendais pas comme ça derrière tes grandes oreilles. C’était qui celui-là d’abord ?! Il repart quand ? Il ne croit quand même pas que je vais lui laisser ma place ? Ca a castagné ! Sévère ! J'étais totalement catastrophée. Ca a duré trois mois d’enfer. On n’en pouvait plus. Trois mois d’angoisse car je ne pouvais me résoudre à remettre Vasco dans un box mais je ne pouvais pas non plus accepter que tu sois malheureux, toi que j’étais allée chercher. Je culpabilisais terriblement. Et puis, le Vasco, il s’est tapé 3 semaines de collerette après sa stérilisation. Il a moins fait le kakou comme ça, il avait l'air plutôt piteux avec son abat-jour ! Et puis toi, tu as appris. Tu as appris le langage chien, celui qui se dit sans les mots. Et moi aussi j'ai appris, à être le chef et ça ne se passe pas comme ça dis-donc ! Zéro bagarre en ma présence, d'abord ! Et Vasco s'est rassuré lui aussi. On a tous fini par comprendre qu'on peut partager, l'amour, ce qui est bien, c'est qu'on peut en donner tant qu'on veut, il en reste toujours autant. Bon, moi j'en étais déjà convaincue, mais il fallait que vous le compreniez aussi, tous les deux.

Ça a fait un an le 12 décembre et maintenant, vous êtes copains. On peut dire qu'on revient de loin, mais quand je vous vois vous courir après dans le jardin, toi qui nargue le loup avec tes grandes foulées bondissantes et tes slaloms savants, je suis tellement heureuse que parfois je crois que mon cœur va éclater.
Vous êtes bien différents, on peut dire que les caractères n'ont rien à voir. Mais je vous aime, je vous dois tellement.

Mon Anou, tu me regardes, inlassablement. Tu mets tellement d’amour dans ma vie. Reste longtemps avec moi.
Voilà ton histoire, celle d’avant, je ne la connais pas, juste quelques bribes. Ca, c’est ton histoire avec nous et j’espère qu’on te donne autant de bonheur que tu sais le faire, toi, sans rien faire pourtant, que d’être là. Un amour de chien. La crème des chiens.

Voilà, il fallait que je vous le dise, que je le dise à Michelle. Et puis, j'ai reçu un petit mot du refuge Stam il y a quelque temps. Je vais envoyer un petit chèque, ce n'est pas la fortune en ce moment, mais je ne les remercierai jamais assez. Pour moi, pour Anou, et pour tous les autres.

Merci.





 


Christelle Dybowski

 

 

 

Bonjour, des nouvelles d’Anou et quelques photos.
Anou va très bien, c’est vraiment un chien super ! Même Claude, mon compagnon, plutôt le style « intello » que « ami des animaux » (contrairement à moi, plutôt dingue de tous les bestiaux ! ) à totalement craqué : dès qu’il l’a vu, d’abord il l’a trouvé très beau et, immédiatement, il a été conquis. Il faut dire qu’Anou est vraiment super gentil – et avec tout le monde : humains, chiens et même… chats ! Ca change totalement de mon pauvre Voyou (petit « berger créole ») que j’avais recueilli en Guyane et qui m’a fait un très gros chagrin en mourant cet été de la Leishmaniose (attrapée à Marseille ! ) : je l’adorais, je lui avais redonné confiance dans les humains, mais il ne supportait aucun autre canin à plus d’1 km !
Anou, lui, est tellement sociable et obéissant (je n’en reviens toujours pas ! ) que nous pouvons l’emmener partout : à la pêche, en week-end et même aux terrasses des restaurants.
Cette année, de grands changements se préparent puisque nous nous envolons pour Saint Pierre & Miquelon mi-juillet (sans doute pour deux ans). Je pense qu’Anou devrait s’y acclimater sans problème puisqu’il sera tout près de la terre de ses origines : le Labrador. Et puis, il sera avec sa nouvelle (enfin, plus tant que ça) famille et, manifestement, c’est avant tout cela qui lui plait : être avec nous, notre chien à nous, notre chien Anou. Nous vous enverrons des photos sous la neige, et puis aussi des baleines qu’on voit passer devant l’île.
Encore merci, merci : grâce à vous, nous avons un chien qui fait vraiment partie de la famille. Je l’adore.
 

C'est mon panier !

Ca c'est mon lapin !

Alors ça mord ?

Je peux y retourner ?

Bon on joue ?

 

Je peux monter sur tes genoux ?

Super cet os !

 

J'adore le panier du chien !

Merci d'avoir offert une nouvelle vie à Anou !

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